Porté par les vents favorables du libéralisme, certains nous susurrent que la fin de la loi Lang permettrait aux clients, aux usagers et à tous les autres utilisateurs d’être gagnants par de meilleurs prix, de meilleurs produits et des services plus pointus, et bien sûr moins cher. Déroulons le fil de ce raisonnement économique souvent présenté comme bienfondé et inévitable.
Que dit la loi Lang ? Datant de 1981, la loi Lang est simple : elle laisse à l’éditeur la détermination du prix de vente qui s’impose alors à tous les revendeurs sans exception. Elle est d’ordre public, ce qui veut dire que son application est très stricte, si bien que peu osent s’aventurer à son non-respect. Sans entrer dans le détail technique, les réductions sont possibles mais uniquement sur le lieu de vente d’un livre et en autorisant un maximum de 5% de réduction.
Elle fixe également certaines autres règles techniques qu’il n’est pas utile d’énoncer pour mener le raisonnement. Son développement en accord avec les filières de distribution (protocole avec les libraires) apporte un équilibre de la profession qui permet à chaque maillon de la chaîne du livre de vivre et durer sans menace subite et violente.
Il n’y aurait donc aucune concurrence entre éditeurs ?
Mais si on essayait la « vraie » concurrence avec la fin du prix fixe du livre ?
Posons le premier terme de l’équation : un prix libre va, d’une part, ouvrir la porte de négociations sauvages avec les grands distributeurs rehaussant leurs marges, de sorte que les éditeurs vont ployer sous une recette moins élevée. Je confirme, il n’existe pas « d’élasticité prix » dans notre secteur : une baisse du prix de vente ne nous fait pas vendre plus d’exemplaires, en gros. En effet le temps consacré à la lecture ne change pas pour autant et c’est lui qui limite le débouché. La concurrence des autres médias, gratuits pour certains, ne va pas cesser.
D’autre part, la liberté des prix déplacerait l’offre de livres des libraires (qui ont déjà perdu beaucoup) vers les plus grandes surfaces et les chaînes, ce qui aurait pour effet de déserter encore les centre villes et de « diminuer notre surface d’offre » : moins de points de vente et moins de livres vendus. La disparition d’un libraire en centre-ville n’est jamais compensée totalement par les autres filières. Si votre boulanger ferme vous marcherez jusqu’au plus proche, c’est moins vrai pour le livre.
Et ce n’est pas tout. En concentrant l’offre sur quelques éditeurs majeurs et quelques gros distributeurs, la diversité des livres va se réduire. Que penser de la liberté d’expression, de la diffusion de contre-pouvoirs si tel était le cas ? Le livre demeure un grand vecteur de la diffusion du savoir, des idées et des savoir-faire.
Quel serait le vrai bénéfice du client ?